Déclaration de l’Alliance latino-américaine contre le fracking face à la COP 21
Le défi qui est posé à la 21ème Conférence des Parties de la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique est de parvenir à un engagement effectif des pays à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) à un niveau qui permette de respecter les droits et l’avenir des générations présentes et futures et de préserver l’environnement. Cela suppose la mise en oeuvre de politiques et d’actions à la hauteur des engagements pris au niveau international en matière de changement climatique, de droits humains et par rapport aux Objectifs du Développement Durable. L’usage de la fracturation hydraulique pour l’extraction des hydrocarbures n’est pas compatible avec ces engagements et accroitrait les effets du changement climatique. Elle doit donc être interdite.
Tout au long du processus d’extraction, de traitement, de transport et de distribution des hydrocarbures non conventionnels (HNC), du méthane est libéré, qui a un impact 87 fois supérieur à celui du dioxide de carbone, en tant que gaz à effet de serre, sur une durée de 20 ans, ce qui entraîne un réchauffement global plus important, alors que ce qui est urgent, c’est de prendre des mesures pour le réduire. Du fait des émissions furtives de méthane, “sur une période de 20 ans, l’empreinte du gaz de schiste sur l’effet de serre est pire que celle du charbon ou du pétrole”
Si nous persistons à concevoir un développement qui reste fondé sur l’exploitation des combustibles fossiles, sans tenir compte des droits et des besoins des populations, il sera impossible de conserver une planète qui préserve les ressources naturelles et le bien-être des générations présentes et futures. Les HNC extraits par fracturation hydraulique ne doivent pas être considérés comme des énergies de transition, ni comme des énergies plus propres, étant donné qu’ils sont de grands émetteurs de GES, sans parler des dégâts et des risques qu’ils engendrent pour l’environnement et la santé des personnes.
L’expérience latino-américaine en matière de fracturation hydraulique
Nous considérons que l’expérience latino-américaine en ce qui concerne l’usage de la fracturation hydraulique pour l’extraction d’hydrocarbures non conventionnels peut être un apport au débat général. Au-delà des spécificités de l’introduction de cette technique sur le continent, au Mexique, en Colombie, au Chili, en Bolivie et en Argentine, il existe de nombreux traits communs.
Le fracking avance à l’aveuglette en Amérique latine. En premier lieu, les droits humains fondamentaux des communautés affectées par cette technologie n’ont pas été respectés : ni le droit à la consultation et au consentement préalable, libre et informé, ni le droit à la participation et au contrôle social, ni le droit à l’information. Les Etats de la région n’ont pas non plus appliqué le principe de précaution qui aurait voulu que cette activité soit interdite au regard des graves dangers qu’elle représente pour la santé des personnes et pour l’environnement, et de l’incertitude quant à la portée et l’ampleur des dommages qu’elle peut occasionner. Les réformes des législations nationales, répondant aux demandes des entreprises, sont tout aussi graves car elles ont ouvert la porte à l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels par fracturation hydraulique. La réforme de l’énergie au Mexique (2013) et la nouvelle loi des hydrocarbures en Argentine (2014) en sont des exemples..
La fracturation hydraulique s’est développée dans la région sans qu’aient été réalisées d’études complètes et sur le long terme sur les risques et dommages que cette technique engendre sur la santé des personnes et sur l’environnement. A l’exception du Mexique, les pays de la région ne disposent pas d’études réalisées par eux-mêmes sur les réserves d’hydrocarbures non conventionnels qui leur permettraient de vérifier les estimations chiffrées de l’Agence d’Information de l’Energie des Etats-Unis.
Dans le continent latino-américain, l’extraction par fracturation hydraulique pénètre dans les communautés indigènes, paysannes, dans les quartiers urbains et même dans les Parcs nationaux protégés. Cela a entraîné des déplacements de personnes et l’arrêt d’activités productives telles que l’élevage ou l’agriculture, dont la cohabitation avec cette technologie est impossible. Parallèlement, les plaintes et les dommages occasionnés se multiplient : incendies, fuites, explosions, accaparement des eaux, pollution de l’eau, de l’air et de la terre par les résidus toxiques, pertes de substances radioactives dans les puits et mauvaise gestion des eaux usées.
L’opposition à la fracturation hydraulique se développe en Amérique latine. Les réseaux nationaux et internationaux d’opposition à cette technique, les quelques 50 municipalités et communautés qui ont interdit le fracking sur leurs territoires en Argentine, Mexique, Brésil et Uruguay, ou la suspension des opérations de fracking au Brésil et en Argentine suite à des actions judiciaires en sont la preuve.
Les Etats doivent assumer leurs engagements face à la fracturation hydraulique
Dans le cadre de la COP de Paris, nous exhortons les Etats Parties de la Convention Cadre sur le Changement Climatique à :
–Signer un accord contraignant qui réduise tant qu’il en est temps et de façon efficace les Gaz à effet de serre à des niveaux en accord avec les droits et la préservation de l’avenir des générations présentes et futures et avec la préservation de l’environnement.
– L’application du principe de précaution comme impératif légal et éthique d’action pour faire face aux situations de risque élevé dans un contexte d’incertitude scientifique, et dans ce cas en interdisant la fracturation hydraulique dans les pays où elle se pratique déjà ou dans ceux qui prévoient de le faire.
–La réalisation d’études scientifiques, objectives et indépendantes sur les impacts et risques de la fracturation hydraulique sur la santé l’environnement et les processus de production, dans une perspective à long terme, afin de garantir les droits des générations présentes et futures. Dans les cas où les impacts sont avérés, les Etats doivent garantir que les entreprises soient responsables des dégâts, et en premier lieu, de la remise en état des environnements affectés, même dans le cas où leurs contrats seraient terminés.
– Développer une politique de diversification de l’énergie et de réduction-rationalisation de la consommation d’énergie qui envisage de promouvoir les énergies renouvelables et décourage l’extraction de combustibles fossiles, tout en respectant les principes et droits en matière de transparence, de participation et de consentement préalable, libre et informé.
L’Alliance latino-américaine contre le fracking attire l’attention sur les risques et dommages graves que peuvent causer l’exploration et l’exploitation de HNC sur les territoires et les populations de nos pays. La fracturation hydraulique est une technique expérimentale et ni les gouvernements ni les entreprises ne doivent mener des expériences qui mettent en danger la vie, la santé des personnes et l’environnement.
Novembre 2015